"c’est le livre par lui-même qui éveille votre curiosité;
en fait, aprés une réflection posée,
vous préférez qu’il en soit ainsi:
confontrer quelquechose
sans même savoir de quoi c’est fait" 1.
Voyons maintenant quelques concepts possibles de la signification qui mettent directement en cause le psyché de l’individu, sa vision subjective de la réalité.
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La signification est une émotion éveillée par un mot. Certains mots sont très difficilles à définir parce ceux-ci ont, pour la plupart, une connotation émotionnelle: par exemple, les mots "amour", "Dieu", "liberté" laissent une empreinte de signification affective. Nous pouvons parler tout à fait convenablement de la connotation émotionnelle de tels mots qui représentent une signification basée sur des réactions émotionnelles reçues antérieurement et des abstractions affectives qui constituent les corrélations psychiques de cette signification, comme des fantômes d’émotions-jugements du passé" 2. |
2. |
... ce qui est relié à un signe dans la réalité: par exemple, la fumée et le feu. C’est en utilisant un tel exemple que les psychanalystes parlent de la signification des rêves, introduisant ainsi la notion de "désir inconscient". Dans ce cas ils substituent la cause à la signification. La signification d’un rêve est la cause (supposée) qui l’a déterminé, i.e. le désir inconscient. Pour les psychanalystes, comme pour tous les scientistes de la nature – selon l’argument d’Ogden et Richards – " les relations-signes causales sont celles qui sont les plus intéressantes" 3. |
3. |
... les effets mnémoniques d’un stimulus. Dans cette perspective, la référence est une conséquence de l’adaptation à un contexte psychique, et "la signification de la lettre A est ce à quoi le processus mental d’interprétation de la lettre A s’adapte lui-même. Il s’agit du sens le plus important par lequel les mots ont une signification." Ces effets constituent des jugements introspectifs, i.e. des interprétations d’un type donné, quelquefois des jugements non verbaux, des "sentiments obscurs qui accompagnent la référence". Quelquefois nous pouvons exprimer de tels sentiments avec des mots, mais ce n’est pas toujours posssible: quelquefois les mots ne sont pas des outils appropriés pour signifier la référence qu’ils doivent symboliser. Dans ces cas, nous pourrions définir une action de communication comme étant l’usage de symboles pour créer des actions référentielles pour le receveur qui soient similaires à celles qui représentent les symboles que l’expéditeur se propose de transmettre 4. |
Ogden et Richards ont ajouté des sens au mot "signification": ce à quoi l’usager d’un symbole croit lui-même qu’il fait référence, ce à quoi l’interprète d’un symbole fait référence, ce à quoi l’interprète d’un symbole croit lui-même qu’il fait référence, ce à quoi l’interprète d’un symbole croit que l’usager fait référence. Dans tous ces derniers cas l’activité psychique et de l’expéditeur et du receveur joue un rôle important.
La signification intentionnelle d’une chose ne coincide pas toujours avec l’idée que se fait le receveur du décodage qu’il prévoit en faire. Et, d’autre part, quelquefois l’interprétation d’un énoncé est basée sur les prémises (souvent fausses) de l’expéditeur. En psychologie une telle activité est appellée une "projection". D’une certaine manière, une tentative de comprendre les intentions de l’autre est nécessaire à des fins de communications mais si, en le faisant, notre propre intention nuit à une telle tentative, éclipsant l’intention supposée de l’autre, le résultat est une sorte de court-circuit dans la communication.
Suite à cette énumération des significations possibles de la "signification" selon les diverses définitions révisées dans la section précédente, voyons maintenant comment Ogden et Richards présentent leur "théorie du contexte de l’interprétation", i.e. un aperçu de l’action sémiotique dans l’assimilation d’un texte verbal 5.
La phase préliminaire de la compréhension des mots est réservée à la discrimination sensorielle, ou reconnaissance sensorielle. En reconnaissant les sons et les signes graphiques nous interprétons un signe initial. Une distinction consciente ou inconsciente d’un son ou d’une image est essentielle à l’utilisation des mots.
Ordinairement la reconnaissance est inconsciente, vu que notre usage des mots fait partie intégrale de nos habitudes; elle peut, toutefois, devenir consciente, comme lors de l’apprentissage d’une langue étrangère 6. |
Une autre distinction est faite entre la prose scientifique et la poésie: dans le premier cas nous pouvons ignorer les caractères sensoriels des mots, alors qu’en poésie nous devons y porter une attention consciente, même si cela peut gêner d’autres interprétations.
D’une certaine manière, le fait que la poésie possède un aspect différent de la prose et le fait qu’une importante partie de la page demeure blanche, constituent des indices sensoriels pour nous alerter que l’attention due aux mots qui y sont écrits réclame plus d’attention et que l’on doit inclure leur son aussi. Le fait de suivre la trace de la perception purement acoustique peut toutefois nous induire en erreur. En poésie, les mots ne sont pas uniquement des sons. Afin de les décoder il est nécessaire de porter attention et à la signification de leurs sons et à la signification de leurs symboles.
Bibliographie
CALVINO I. If on a Winter's Night a Traveller, translated by William Weaver, London, Vintage, 1998, ISBN 0-7493-9923-6.
OGDEN C. K. e RICHARDS I. A. The Meaning of Meaning. A Study of the Influence of Language upon Thought and of the Science of Symbolism. London, Routledge & Kegan Paul, 1960 [first edition 1923].
1 Calvino 1979, p. 9.
2 Urban, quoted in Ogden and Richards 1960, p. 199.
3 Ogden e Richards 1960, p. 200.
4 Ogden e Richards 1960, p. 205-206.
5 De spécifier "verbal" n’est pas redondant parce qu’en sémiotique chaque objet, non seulement les objets verbaux, sont considérés comme des textes.
6 Ogden e Richards 1960, p. 209-210. Voir aussi la section 5 (unit 5) de la première partie du cours.
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