«el indiferente anteayer se convierte de golpe en 'los últimos años', según la
fórmula de las crónicas y biografías, que a menudo dicen eso del muerto,
'durante sus últimos años...', como si hubiera podido anticiparlo nadie» 1.
"ce qui était tout au plus le jour avant hier s’est soudainement transformé en
‘les années terminales’, dans la phraséologie des articles standards et des
biographies, qui parlent souvent de la personne décédée ‘au cours de ses années
terminales’, comme si quelqu’un pouvait soudainement avoir anticipé cela" 2.
L’un des points principaux sur lequel les études des processus de traduction se penchent, est la description des choix de traduction ou, si vous voulez les considérer du point de vue du processus subséquent (voir la section précédente), des changements qui existent entre prototexte et métatexte.
- Les modèles d’analyse des changements micro-structurels (ceux qui traitent des petites unités de texte, des mots par exemple) indépendamment du contexte textuel et qui tirent des conclusions concernant le texte en son entier, ou du moins produisent une liste des micro-changements qui sont applicables à un métatexte donné.
- Puis il y a des modèles chronotopiques qui visent à créer une typologie des (méta)textes, traités comme des textes entiers, plutôt que comme des groupes de micro-changements qui sont pris comme des macro-changements entiers. Dans ce cas, les catégories de changements ne pas sont absolues comme ci-haut, mais sont reliées au contexte poétologique et culturel du texte en cause.
Un exemple de la première sorte est celui du modèle de Leuven-Zwart et un exemple du dernier type est celui du modèle chronotopique de Torop, que nous avons déjà vu dans la section 21 de la première partie du cours qui est reproduit ici:
Traduction adéquate |
Recodage (forme) |
Transposition (contenus) |
Analyse (prototexte) |
Synthèse (métatexte) |
Analyse (prototexte) |
Synthèse (métatexte) |
Autonomie |
Dominant |
Autonomie |
dominant |
Autonomie |
dominant |
Autonomie |
Dominant |
Macrostyle |
Précision |
Microstyle |
quotation |
Thème |
description |
Expression |
Liberté |
Commençons avec le modèle de la chercheure des Pays-Bas Kitty van Leuven-Zwart, qui a été parmi les premiers à étudier la critique de la traduction d’un point de vue pragmatique, en essayant de résoudre concrétement la question des analyses comparatives de deux textes en général et en particulier du prototexte et du métatexte. Sa méthode est aussi applicable à la traduction intralinguale.
Le modèle vise à décrire les changements microstructurels découlant d’un choix conscient ou inconscient du traducteur, aux niveaux sémantique, syntaxique ou pragmatique, et à classifier les changements importants comme Lefevere les avait décrits 3. Suite à l’analyse du modèle comparatif, un modèle descriptif est utilisé, avec lequel on analyse les effets des changements micro-structurels sur la macrostructure, i.e. sur les caractères, les évènements, le temps, l’espace et les autres éléments textuels. Comme vous pouvez le voir, ce modèle procède du bas vers le haut, parce qu’aucune analyse préventive n’est faite de la poétique du texte par laquelle on peut parvenir aux catégories qui doivent être soumises à l’analyse comparative.
Afin de comprendre ce modèle, il serait nécessaire de devenir familier avec le vocabulaire de Leuven-Zwart: le mot "transème" signifie pour la chercheure une unité de texte compréhensible avec ou sans prédicat. Tout acte de parole peut être démonté en transèmes.
Par le mot "relation" nous voulons signifier les similitudes/dissimilitudes entre les textes, et dans le cas présent, entre les transèmes d’un texte et les transèmes des autres textes qui lui sont comparés. Il y a de plus, un autre concept complexe, l’"architransème": décrit en termes simples c’est le dénominateur commun entre le prototransème et le métatransème.
Je pense que l’introduction de ces nouveaux termes (avec l’exception du mot "relation", tout à fait compréhensible) dans ce cours à ce stade, serait une erreur, et créerait de la confusion, sans nécessairement donner au lecteur une vision plus précise ou plus articulée. Par conséquent, après avoir nommé ces termes pour donner aux lecteurs l’opportunité de les reconnaître lors d’une lecture éventuelle, je m’engage a traduire la vision de Leuven-Zwart dans un format que je considère plus facile à comprendre.
Trois sortes de relations sont identifiées comme suit:
- les cas de relation de contraste dans lesquels un élément du texte est modifié le rendant ainsi méconnaissable. Le contraste peut être identifié comme suit:
- une omission
- une addition ou
- un changement radical du sens.
Voici un exemple:
PT Gertrude se leva
MT Camilla pensa
- Il y a une relation de modulation (changement binaire) quand le changement qui se produit entre un élément d’un protexte et un élément d’un métatexte suit la logique d’une dichotomie, d’une bifurcation dans le sens de la généralisation du continuum versus la spécification ou dans le sens d’un autre continuum bipolaire.
Par exemple:
PT Gertrude marcha
MT Gertrude courut (=marche + vite) ? modulation, specification.
Dans le modèle de Leuven-Zwart les relations de modulation (spécification ou généralisation) peuvent être encore redivisées selon le cas qui les concerne: la culture (la nation, la région, le groupe ethnique, la communauté, la profession, etc.) le temps non verbal (l’historisation, la modermisation, l’achronisation), l’espace (la localisation, l’exotisation, l’universalisation), le style du texte (l’accentuation, la reconstruction, la mise à niveau), le régistre (l’accentuation, la reconstruction, la mise à niveau), les figures de rhétorique (la préservation, l’adaptation, la paraphrase), l’idiolecte de l’auteur (l’accentuation, la reconstruction, la mise à niveau), l’idiolecte de la personne (l’accentuation, la reconstruction, la mise à niveau).
- Il existe un changement non-binaire quand il y a une différence entre les deux élément du prototexte et du métatexte qui, même si elle n’est pas rattachable à aucune dichotomie, ne se situe pas dans le sens d’aucun continuum entre les pôles, mais est plutôt une différence du type non-binaire. Cette différence fait plutôt référence à un élément d’un texte auquel il n’existe pas qu’une alternative unique mais bien plusieurs.
Par exemple:
PT Hier
MT Aujourd’hui
N'est pas un changement binaire, parce que des alternatives possibles à "Hier" sur l’axe paradigmatique sont nombreuses (par exemple: demain, un jour, dans une semaine, le mois dernier, etc.).
Cette relation prend aussi en considération les catégories, surtout morphologiques ou grammaticalles ou syntaxiques, qui, de par leur nature, pourraient ne pas constituer une modulation binaire. Voici quelques-unes de ces catégories:
- tendu
- nombre
- humeur
- gram. personne
- gram. classe
- forme de verbe (passive/acti ve)
- aspect de verbe (parfait/imparfait)
- l’ordre des mots
- explicitation/implicitation (nombre d’éléments informatifs)
- déixis/anaphore (références intratextuelles et extratextuelles)
- assonance, allitération, rime
À la suite de cette première partie de l’essai, dans laquelle elle analyse divers micro-changements, Leuven-Zwart examine dans la deuxième partie, les effects potentiels de tels changements, particulièrement ceux à grande échelle, sur la macrostructue du texte. La spécification peut modifier le texte d’une façon émotionelle, pittoresque, évocative, suggestive, ou stéréotypée dépendant des éléments impliqués 4. Dans la spécification, le fait que l’attention du lecteur est orienté vers des détails spécifiques peut impliquer des distractions provenant de d’autres aspects du texte. De plus:
[...] on donne au lecteur du (proto)texte un aperçu claire avec la possibilité de multiples interprétations, alors que le lecteur de la traduction (spécifiante) ne l’est pas: on lui présente un aperçu fermé d’ou il ne peut y avoir qu’une seule interprétation 5.
Un autre élément souligné est que certaines personnes ont des idiolectes différents selon la situation dans laquelle elles se trouvent: l’homogénisation des modes expressifs en un idiolecte unique dans le métatexte a un impact imparrable sur sa réception. Le changement verbal de la personne modifie l’implication émotionelle du lecteur, ou du narrateur intérieur, en ce qui a trait aux personnes. La structure syntaxique peut causer des différences dans la perception du texte, particulièrement avec les déplacements de droite et de gauche du texte.
Déixis et anaphore doivent être traités séparément. D’abord, l’utilisation d’un pronom en lieu d’un nom implique un degré donné d’implicité: "si, selon le narrateur, on donne suffisamment d’information pragmatique afin d’interpréter de façon adéquate une expression de référence, le renvoi sera obtenu par le biais des éléments déictiques/anaphoriques" 6. Si un traducteur substitue une expression déictique pour son nom de référence, l’attitude envers le lecteur est changée, par conséquent la stratégie de l’auteur est elle aussi changée.
Van Leuven-Zwart a énoncé quelques conclusions générales sur les traductions au cours de la deuxième demie du 20e siécle. Il y a une abondance de spécification et d’explicitation (une tendance qui, comme nous l’avons vu, ferme les perspectives interprétatives laissées ouvertes dans le prototexte), comme si "le traducteur tentait de rendre les choses ‘logiques’ et compréhensibles pour le lecteur" 7.
Cette tendance générale, cette ‘norme’ non-écrite, mais qui peut être documentée, des traductions modernes, "semble être en accord avec la norme initiale d’acceptabilité de Toury: les passages qui, selon l’opinion du traducteur, sont difficilles, étranges ou ‘illogiques’ sont adaptés au goût présumé du lecteur" 8.
S’Il est vrai que les adaptations sont quelquefois nécessaires parce qu’autrement l’énoncé sonnerait contre nature et maladroit, il est aussi vrai que souvent elles sont volontaires: un élément subjectif est introduit lorsqu’elles sont utilisées.
Dans la prochaine section nous examinerons plus à fond les modèles de relations de changements possibles.
Bibliographie
LEFEVERE A. Translating Poetry. Seven Strategies and a Blueprint. Amsterdam, Van Gorcum, 1975, ISBN 90-232-1263-0.
LEUVEN ZWART K. van Translation and original. Similarities and dissimilarities. In Target, n. 1:2 (1989) e n. 2:1 (1990).
MARÍAS J. Negra espalda del tiempo, Punto de lectura, 2000 (original edition 1998), ISBN 84-663-0007-7.
MARÍAS J. Dark Back of Time, New York, New Directions, 2001 (translated by Esther Allen), ISBN 0-8112-1466-4.
TOROP P. La traduzione totale, edited by Bruno Osimo, Modena, Logos, 2000, ISBN 88-8049-195-4.
1 Marías 2000, p. 214.
2 Marías 2001, p. 171.
3 In Lefevere's opinion, a translation must be judged on the basis of four equilibriums:
- equilibrium between utterance and situation [many ways to express or not express it]
- equilibrium between utterance/situation and the possibility to highlight a word or word group; [lexical expressivity and syntactical markedness]
- equilibrium between literary langue [...] and literary parole; [literary markedness]
- equilibrium between what is said and what is implied [explicitness/implicitness] (Lefevere 1975, p. 111).
4 Van Leuven-Zwart, p. 71.
5 Van Leuven-Zwart, p. 72.
6 Van Leuven-Zwart, p. 85.
7 Van Leuven-Zwart, p. 90.
8 Van Leuven-Zwart, p. 92.
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