«[...] uno siente regret o rimpianto, no hay palabra española exacta
para eso, quizá seamos poco dados en estas tierras a lamentar
lo ocurrido o lo no ocurrido, lo que hicimos o dejamos de hacer» 1.
"[...] vous ressentez ce qu’on appelle ‘regret’ en Anglais, ou 'rimpianto',
en Italien; il n’existe pas de mot en Espagnol qui soit son équivalent exact; peut être
que nous ne sommes pas portés dans ce pays à nous lamenter sur ce qui est
ou n’est pas arrivé, ce que nous avons réussi ou manqué de faire" 2.
Afin de solutionner la question de l’application pratique de la catégorisation des changements en traduction, nous avons besoin de matériel pour y travailler et peut être que le matériel le plus approprié pour de tels changements serait celui que l’on retrouve dans la vie de tous les jours, soient la façon de vivre d’un peuple, les détails prosaiques de la vie sociale qui dictent l’origine spontanée des formes expressives qui alors, transposées en littérature, peuvent être très difficilles à traduire.
Certaines de ces formes expressives spontanées entre dans le vocabulaire et éventuellement caractérisent la manière culturelle, sinon linguistique, par laquelle un peuple s’exprime. Des fragments particuliers des populations utilisent des traditions culturelles spécifiques, et se servent de mots spéciaux pour les identifier.
Pour pénétrer ce domaine il est nécessaire de comprendre d’abord ce que le mot "realia" signifie, aussi bien dans les études en traduction, qu’en dehors; nous serons aidés en cela par les deux chercheurs Bulgares, Sergej Vlahov et Sider Florin, qui en 1980 ont publié un livre complet sur les éléments qui sont normalement considérés "intraduisibles", incluant les realia.
Le mot "realia" a son origine du Latin, non pas le langage parlé par les Romains, mais bien celui utilisé par les érudits du Moyen Âge dans plusieurs pays Européens et qui était le langage de la science, de la recherche, de la philosophie.
Puisqu’en Latin le nominatif pluriel neutre d’un adjectif se transforme en un nom, "realia" signifie "les vrais choses", à l’opposé de mots qui sont considérés n’être ni "choses" ni "réels". Pour cette raison, le mot est le pluriel de "realis" (réel), que, toutefois, l’on ne retrouve pas dans la plupart des dictionnaires Latins parce que normalement les évènements Latins Classiques et non les Médiévaux sont décrits dans ces manuels de références. En ce sens, le mot désigne les objets de la culture matérielle.
En pénétrant dans le domaine des études en traduction, un changement terminologique radical doit être mis en oeuvre: "realia", en fait, ne désigne pas des objets, mais des signes, des mots et plus précisément ces mots qui eux désignent des objets de la culture matérielle, particulièrement en ce qui a trait à la culture locale. Par conséquent il est nécessaire de faire la différence realia-objets (surtout des études en traduction externes) et realia-mots (surtout des études en traduction internes).
Dans chaque langage, il existe des mots qui, sans qu’ils se distinguent en aucune façon dans l’original pris du co-texte verbal, ils sont néanmoins facilement traduisibles dans un autre langage par les moyens usuels et requièrent une attitude particulière de la part du traducteur: certains de ces mots passe dans le texte de la traduction sans changement de forme (ils sont transcrits), d’autres ne peuvent que conserver partiellement leur structure morphologique ou phonétique en traduction, d’autres encore doivent quelquefois être substitués par des unités lexiques d’une valeur totalement différente ou même "composée". Parmi ces mots, nous voyons des dénominations d’élément de la vie de chaque jour, de l’histoire, de la culture etc. d’un peuple donné, d’un pays, d’un endroit qui n’existe pas chez d’autres peuples, d’autres pays et d’autres endroits. Ces mots ont reçu précisément le nom de "realia" dans des études en traduction. (1969:432).
Afin de compliquer encore plus le cadre terminologique, qui est déjà très confus, des chercheurs de la région de l’Europe de l’Est, qui ont été parmi les premiers à utiliser ce terme dans des études en traduction, ne le considèrent pas comme un pluriel neutre, mais comme un féminin singulier. En particulier le mot Russe реалия (realija) est du genre féminin et singulier. En conséquence, il est premièrement possible de parler de "realia" en utilisant le singulier (afin de signifier un de ces mots), que nous ne pouvons nous offrir, à moins d’utiliser le mot realium qui, toutefois, au singulier, perd sa valeur comme nominalisation de l’adjectif. De plus, quand le mot est utilisé au pluriel, il perd la finale –a en suivant la déclinaison féminine, et devient реалии (realii).
Sans tenir compte des différences linguistiques, nous devons faire attention de ne pas confondre le domaine des realia avec le domaine des termes. Voici l’opinion de Vlahov et Florin à ce sujet:
Entre les realia et les termes il existe une différence fondamentale. Les termes constituent la base des lexiques scientifiques; leur domaine est la littérature scientifique spécialisée; dans d’autre sphères, surtout en littérature artistique, ils ne sont utilisés que dans un but stylistique bien défini. On ne retrouve pas les realia particulièrement en littérature artistique. Comme il est bien connu ils représentent des éléments de la couleur locale et historique; nous les retrouvons dans certaines sciences descriptives aussi, mais ils sont maintenant utilisés, surtout comme des dénominations d’objets décrits ou même comme des termes pures. (1969:433).
Les recherches de Vlahov et Florin sont précieuses, nous y reviendrons de nouveau en plusieurs occasions. Pour le moment, ce que je veux souligner c’est la définition que les deux érudits Bulgares ont assignée aux "realia" dans le cadre des intérêts de ce cours:
Les mots (et les expressions composées) du langage populaire représentent des dénominations d’objets, de concepts, de phénomènes typiques d’un endroit géographique donné, de la vie matérielle ou des particularités historiques-sociales de certains peuples, nations, pays, tribus, qui pour cette raison illustrent une couleur nationale, locale ou historique; ces mots n’ont pas d’équivalents exacts dans d’autres langages (1969:438).
Dans les prochaines sections nous examinerons les exemples concrets de realia pour voir quelles sont les actualisations possibles et comment elles peuvent être systématisées.
Bibliographie
MARÍAS J. Negra espalda del tiempo, Punto de lectura, 2000 (original edition 1998), ISBN 84-663-0007-7.
MARÍAS J. Dark Back of Time, New York, New Directions, 2001 (translated by Esther Allen), ISBN 0-8112-1466-4.
VLAHOV S., FLORIN S., Neperovodimoe v perevode. Realii, in Masterstvo perevoda, n. 6, 1969, Moskvà, Sovetskij pisatel´, 1970, p. 432-456.
VLAHOV S., FLORIN S., Neperovodimoe v perevode, Moskvà, Vysshaja shkola, 1986.
1 Marías 2000, p. 71.
2 Marías 2001, p. 58-59.
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