.
Alors qu’un traducteur qui a un rapport avec une compagnie unique qui n’est pas dans l’édition a une position plutôt bonne pour une négociation parce ce type de compagnie ordinairement n’est pas constitué en système, en réseau, cette compagnie a alors une relation d’un-à-un avec le traducteur, alors que les compagnies d’édition ont établi un système compacte de règles écrites et non-écrites contre lesquelles le traducteur, un élément faible, solitaire ne possède à peu près aucun pouvoir de négociation.
Règles. Les éditeurs sont très stricts dans l’application de leurs règles éditoriales. Pour ajouter un peu de pagaille, de telles règles ne sont pas cohérentes d’un éditeur à l’autre en Italie et dans plusieurs autres pays ni ne sont cohérentes avec les normes ISO (International Standards Organization) ni avec les agences de standards nationales. Au cours de mon expérience personnelle de travail, j’ai collecté les brochures dans lesquelles étaient énoncées les normes éditoriales des éditeurs pour lesquelles j’ai travaillé, de sorte que je pouvais constater que chacune de ces normes était établie en conformité avec les goûts personnels des administrateurs qui prennent les décisions dans la compagnie; il y a aussi des éditeurs qui changent leurs normes assez fréquemment.
Contrats. Même si la législation de plusieurs pays met sur le même pied traduction et écriture, les contrats sont rarement écrits selon ce principe. Dans les pays ou la traduction doit être considérée comme une aliénation des droits d’auteurs, afin d’éviter de payer d’importantes sommes dans le cas d’un livre à succès, les éditeurs préparent des contrats dans lesquels le traducteur est payé une somme forfaitaire, indépendamment du nombre de copies vendues.
Honoraires: Alors que la demande de traduction pour les éditeurs est beaucoup plus grande que la disponibilité des traducteurs, les honoraires payés pour les traductions sont constamment en déclin. En Italie par exemple, il y a des milliers de personnes qui considèrent que leur aspiration la plus grande est de travailler pour un éditeur, même si les éditeurs ne comptent que pour seulement vingt pourcent du marché total de la traduction. Par conséquent, les éditeurs profitent de cette situation et ne recherchent pas les traducteurs les plus qualifiés, excepté en cas d’extrême besoin, parce qu’un traducteur qui a du succès aura atteint une bonne position sur le marché et commandera des honoraires plus élevés; souvent les éditeurs préfèrent offrir leurs travaux à des débutants plus jeunes qui, puisqu’ils sont impatients de commencer ce genre de travail, sont prêts à travailler pour des honoraires plus bas, et quelquefois gratuitement, ce qui est intéressant pour ceux qui débutent leur carrière avec une telle expérience de travail à inscrire à leur CV.
Textes. L’espoir secret de tout traducteur qui travaille pour les éditeurs est de traduire des textes intéressants. Ceci devrait constituer une différence lorsqu’on compare ce traducteur avec un traducteur qui travaille pour des compagnies privées ou des individus. Presque tous les traducteurs pour les éditeurs sont des lecteurs-ooliques dans le langage duquel ils font la traduction, et par conséquent ils ont souvent des passions pour certains auteurs et ils veulent proposer de traduire ces auteurs qu’ils connaissent, aux éditeurs. Il s’agit de l’une des plus fortes illusions qui lie les traducteurs au monde de l’édition. Mais dans la plupart des cas les éditeurs choisissent un texte qui leur est proposé par des agents littéraires.
Agents: c’est une autre différence entre le monde de l’édition et le reste du monde. Les agents du monde de l’édition (quelquefois appelés par erreur "agents littéraires", alors qu’ils traitent surtout de non-fiction) font un profit par leur médiation économique entre un auteur et un éditeur d’un pays étranger dans les cas de traductions. Ordinairement la fortune d’un auteur à l’étranger dépend largement des décisions de son agent. Chaque agent s’occupe d’un nombre donné d’auteurs, quelquefois un nombre très élevé, de sorte qu’étant inévitablement incapable de consacrer tout son temps à tous les auteurs, il se concentre sur les auteurs qu’il croit être les plus intéressants, ou qui constituent les sources les plus probables de profit. Dans des pays comme l’Italie, les agences d’édition internationales sont peu nombreuses; c’est pourquoi les éditeurs, les traducteurs et les auteurs doivent cultiver leurs relations avec eux s’ils veulent avoir une carrière réussie.
Réseaux d’information d’édition: les éditeurs ont plusieurs relations officielles, par le biais d’associations professionnelles et privées, avec lesquelles ils échangent de l’information. De cette façon le nom d’un traducteur qui a fait du bon travail peut circuler, et il peut obtenir de nouvelles tâches; de cette même façon, les mauvais travaux supposés d’un traducteur circulent de bouche à oreille afin que les autres éditeurs soient prévenus.
Les engagements restrictifs: les relations entre l’éditeur et le traducteur sont gouvernées par une entente, qui est souvent pré-imprimée par l’éditeur afin de donner au traducteur (ou à l’auteur) une idée claire de la minceur de la marge de manoeuvre dont il dispose. Le texte est permanent et est très similaire d’un éditeur à l’autre. En Italie toutes les ententes d’édition contiennent une clause qui dit plus ou moins:
Si l’éditeur de par son jugement sans appel, considère que le travail d’un traducteur est inadéquat, il sera capable de rejeter complètement ou en partie son travail, en refusant de se conformer à ses obligations de paiement.
Lorsqu’une révision du jugement sans appel de l’éditeur est rendue nécessaire grâce au travail du traducteur, le coût de la révision est à la charge du traducteur. Lorsqu’une retraduction est jugée nécessaire le travail du traducteur n’est pas payé.
Contrôle de la qualité: Le contrôle de la qualité des traductions pour les éditeurs est gouverné par les mêmes principes: le jugement de l’éditeur a une valeur infinie alors que le jugement du traducteur n’a aucune valeur. Quand les textes ne sont pas complètement fermés et spécialisés (voir les sections précédentes), le texte ne peut pas être objectivement faux parce que la relation signe-objet est rigoureusement d’un-pour-un – dans la plupart des cas - et le jugement de la qualité d’une traduction est toujours arbitraire. Certains critères d’évaluation des traductions sont présents dans la littérature des études en traduction, mais les éditeurs tendent à les ignorer parce qu’ils préfèrent s’en tenir purement à des critères commerciaux. Comme le dit Fawcett
. Une traduction qui est facile à lire couramment, est le facteur le plus important pour eux. C’est pour cette raison que les traducteurs qui possèdent une connaissance méta-traductionnelle plus étendue – qui par conséquent ont reçu une éducation du côté théorique en plus du côté pratique – tendent à sortir quelque peu frustrés de la confrontation avec les éditeurs.
Bibliographie
CANETTI ELIAS Die gerettete Zunge. - Die Fackel im Ohr. - Das Augenspiel, München, Carl Hanser Verlag, 1995, ISBN 3-446-18062-1.
CANETTI ELIAS The Tongue Set Free. Remembrance of a European Childhood, translated by Joachim Neugroschel, in The Memoirs of Elias Canetti, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1999, ISBN 0-374-19950-7, p. 1-286.
FAWCETT P. Translation and power play, in The Translator, 1.2, 1995, p. 177-192.
MUNDAY JEREMY Systems in Translation: A computer-assisted systemic analysis of the translation of García-Marquez, Ph. D. thesis, Bradford, 1997.
VENUTI LAWRENCE The Scandals of Translation: Towards the Ethics of Difference, London - New York, Routledge, 1998, ISBN 0-415-16930-5.