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Comme nous l’avons vu dans la section précédente, le degré d’explicité d’une citation peut varier très largement. Tout ceci a des conséquences importantes par rapport au travail pratique du traducteur.
Citations implicites :
Notre premier problème provient des citations «invisibles», celles qui n’ont aucun signe graphique pour les définir en tant que citations, pour les distinguer du cotexte et qui font que le lecteur (et encore plus le traducteur) se demande d’où elles proviennent, qui les a écrites, quelle est leur fonction à cet endroit. Lorsque les signes graphiques sont absents des traductions, une citation est implicite, et c’est uniquement la vigilance du traducteur qui peut lui permettre de la comprendre. Certaines des alarmes qui sont déclenchées chez le traducteur dans de tels cas sont :
- l’utilisation d’un vocabulaire inhabituel lorsqu’on le compare à celui du cotexte;
- l’utilisation d’une construction inhabituelle lorsqu’on la compare à celle du cotexte;
- l’apparence soudaine de références à des éléments qui sont absents du cotexte qui sont pris surtout comme étant acquis (une différence dans l’implicite culturel);
- l’utilisation de coutumes grammaticales différentes du reste du texte;
- l’utilisation d’un style plus ou moins officiel, lorsqu’on le compare à celui du cotexte.
En fait, tout élément qui peut être considéré comme étant marqué lorsqu’on le compare au cotexte, devrait, pour toutes sortes de raisons hérisser les antennes du traducteur quant à la présence possible d’une quelconque citation implicite. Si le traducteur ne l’identifie pas, il la traduit et probablement tend à la traduire en lui donnant les qualités textuelles du cotexte, la rendant presque, sinon complètement, méconnaissable.
Explicitation
Lorsqu’une citation cachée est identifiée, que doit faire le traducteur? Comme d’habitude, il n’existe pas de règles, uniquement des alternatives possibles. Une stratégie plus didactique, est celle qui tend à informer le lecteur de ce qui se produit par le biais d’une note en bas de page. Le texte de la traduction contient la traduction de la citation sans signe graphique, comme dans le texte original, et une note en bas de page avise le lecteur qu’il s’agit d’une citation implicite prise d’un texte donné qui a probablement pour but d’indiquer au lecteur qu’il s’agit d’une interprétation donnée. Une telle stratégie est utilisée en particulier quand le traducteur pense que la renommée de la citation dans la culture source est plus grande que dans la culture cible.
Une autre stratégie consiste à ignorer les problèmes du lecteur et, quand la traduction de la citation implicite est insérée, le traducteur n’avise pas le lecteur d’aucune façon : seulement les lecteurs les plus alertes peuvent saisir la citation et la situer. Une telle stratégie est particulièrement utilisée lorsque le traducteur croit que la renommée de la citation dans la culture source est très semblable à celle dans la culture cible, et, par conséquent les lecteurs du métatexte n’ont aucun besoin d’une aide spécifique pour l’identifier.
Une troisième stratégie consiste à transgresser la norme 2384 sur les traductions et de modifier le texte traduit sans en aviser le lecteur. La citation est rapportée, mais dans le métatexte le traducteur insère sous forme de glose un ou plusieurs des éléments suivants :
- un signe graphique (par exemple des guillemets) afin de faire comprendre au lecteur le début et la fin de la citation;
- des remarques en introduction telles que «comme l’a dit John Williams dans son œuvre Book of Wisdom,…»
- des notes bibliographiques dans lesquelles il est spécifié de quel livre ou de quelle édition la citation est empruntée, sans spécifier qu’il s’agit d’une note du traducteur, mais en prétendant qu’il s’agit d’une note de l’auteur.
Est-ce que les citations devraient être traduites?
La réponse est : pas toujours. Dans certains cas une citation est rapportée dans le langage original de la citation (différent de celui dans lequel l’auteur écrit) parce que l’auteur le veut ainsi. Dans de tels cas le traducteur est mieux de la laisser dans ce langage.
Un autre problème possible en traduction des citations concerne la déformation du texte dû à la traduction. Si par exemple, une citation est faite parce qu’elle traite d’un sujet donné en utilisant des termes donnés, et que ces termes disparaissent dans la traduction ou qu’on ne peut les reconnaître, il devient nécessaire de rapporter la citation dans son langage original (où les termes sont présents). Le traducteur dans de tels cas, évalue chaque cas individuellement, et en accord avec le client décide si les citations devraient être complétées par une note du traducteur qui contient le texte de la citation traduite.
Comment traduire les citations
Un autre problème concerne la façon par laquelle une citation devrait être traduite. Nous devons faire la distinction entre plusieurs cas différents.
- La citation est dans le langage original et n’est pas traduite :
- la citation est dans le langage de la culture source : dans ce cas, s’il s’agit d’une œuvre classique, ou d’une œuvre qui a déjà été traduite dans la culture cible, le traducteur devrait rechercher la citation traduite et indiquer dans une note de pied de page les références de l’édition dans la culture cible;
- la citation originale n’est pas dans le langage de la culture source : dans ce cas la citation est dans un langage différent de celui du lecteur dans l’édition originale, par conséquent le traducteur peut la conserver aussi dans le même langage dans le métatexte; une exception à ce cas existe lorsque le langage de la culture source et le langage de la citation sont très semblable, alors que le langage de la culture cible est très différent. Supposons par exemple que dans un texte Italien se trouve une citation en Espagnol Castillan; le texte en son entier est traduit en Anglais. Alors que le Castillan pour un Italien peut être un langage lisible et presque compréhensible, mais pour le lecteur Anglais ce n’est pas la même chose : dans un tel cas il est conseillé de rapporter la citation en Anglais;
- La citation est présentée dans un texte traduit : dans un tel cas, la citation ne devrait pas être traduite de la traduction dans laquelle la citation est rapportée, mais dans le langage original. Le traducteur devrait d’abord rechercher le texte original de la citation, puis décider si elle devrait être traduite (par exemple l’original pourrait être dans le même langage que celui de la culture cible), et puis la traduire ou, s’il s’agit d’une œuvre déjà traduite, rechercher le passage dans l’édition de la culture cible.
Citations dans un texte original
En tout temps où une citation a une valeur uniquement si elle est faite dans le langage original (dû souvent à des raisons de précision terminologique) le traducteur devrait préparer une traduction de «service» dans une note de pied de page. Le terme «traduction de service» est utilisé quand le texte est traduit non pas sur la base d’une édition officielle, mais lorsque la traduction est faite par le traducteur lui-même, et n’a pas la prétention de se substituer à l’édition officielle, mais uniquement pour aider le lecteur du métatexte afin qu’il puisse déchiffrer l’original de façon autonome. Les citations de service sont souvent médiocrement lisibles parce qu’elles utilisent comme dominant la correspondance directe entre les éléments individuels du prototexte et des éléments individuels du métatexte. Par conséquent quelquefois elles ne peuvent être considérées comme des «textes» plein-titres, mais seulement comme des appareils complémentaires, des métatextes qui peuvent accompagner le prototexte.
Citations et métatexte
Comme nous l’avons vu dans la section précédente, il existe plusieurs degrés d’explicité d’une citation, surtout si vous considérez aussi comme des variables, la source plus ou moins connue dans la culture cible et la fonction plus ou moins décodable dans la culture cible. Il revient au traducteur de décider quand et comment le passage de la citation dans une culture à une citation dans une autre culture suggère l’utilisation d’une explication métatextuel (ordinairement une note en pied de page) afin de fournir au lecteur dans la culture cible les mêmes possibilités de compréhension que celles dont le lecteur du prototexte a bénéficié. Bien sûr, plus le décodage d’une citation indiqué dans la colonne de droite du tableau de la page précédente est difficile, plus le besoin est grand de disposer d’un métatexte pour accompagner la traduction d’une citation afin de diminuer la perte en traduction.
Bibliographie
CANETTI ELIAS Die gerettete Zunge. - Die Fackel im Ohr. - Das Augenspiel, München, Carl Hanser Verlag, 1995, ISBN 3-446-18062-1.
CANETTI ELIAS The Tongue Set Free. Remembrance of a European Childhood, translated by Joachim Neugroschel, in The Memoirs of Elias Canetti, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1999, ISBN 0-374-19950-7, p. 1-286.